Cela fait plusieurs semaines que j'ai terminé la lecture de "Martin Eden" de Jack London, et je n'arrivais pas à me mettre dans l'écriture de sa chronique.
C'est terriblement intimidant en fait... Cela faisait bien longtemps que je n'étais pas tombée en émotion, admiration, humilité face à une histoire, un personnage, une écriture, un style...
Le Brief:
Dans ce roman de Jack London, nous faisons la connaissance de Martin, Martin Eden, un jeune garçon sans le sou, issue d'une famille pauvre d'Oakland, USA, mais travailleur. Quand il n'est pas en mer, où il officie durement comme matelot, loin de chez lui, il loue une petite chambre sans grand confort, chez l'une de ses 2 soeurs dont le quotidien n'est guère mieux: entretien de la maison, cuisine et éducation des enfants le tout avec un budget très serré malgré le statut de "commerçant" de son mari.
Ses journées de libres s'articulent autour de sorties dans les bars et de la bagatelle auprès de jeunes de son âge et de son milieu. Martin, sans trop en faire, a beaucoup de succès avec les femmes. Il n'est pas malheureux...
Mais un jour, en retour de mer où il a sauvé la vie d'un autre jeune de son âge issu lui, de la bourgeoisie d'Oakland, ce dernier l'invite à un dîner familial pour le remercier. Ce sera un vrai détonateur pour Martin. Il y découvrira un mode de vie qu'il ignorait, la littérature et notamment le poète Swinburne, qui créera un lien entre lui et Ruth Morse, la soeur de son camarade, dont il tombera aussitôt fou amoureux.
A partir de ce moment là, la vie et les préoccupations de Martin vont radicalement changer. Il s'investit corps et âme dans la lecture et l'apprentissage des sciences. Lui qui n'a pas fait d'études, veut rattraper le temps perdu, tout savoir, tout connaitre, comprendre, égaler le niveau de sa belle pour lui être digne et lui offrir la vie qu'elle mérite. Mais Martin ne peut pas éternellement étudier (même si il y passe plus de 18h par jour), il doit aussi "renflouer ses caisses", et accepte alors des jobs plus difficiles les uns des autres; blanchisseur notamment.
Ses efforts et son intelligence faisant le reste, Martin atteint finalement un niveau de connaissance et de compréhension bien supérieur à la moyenne. Et il a du mérite Martin, car personne ne croit en lui. Ni Ruth, qui le considère à tout jamais comme rustre et indélicat, avec des manières grossières et ne portera jamais de crédit à son travail. Ni ses soeurs et beaux-frères qui considèrent tout ceci comme un perte de temps, et surtout, le pire de tout, Martin est vu comme un FAINEANT.
Pourtant il continue, plus que de raison, jusqu'au bout de ses forces, à étudier et à écrire: des milliers d'articles, des nouvelles, des séries... qu'il s'acharne à envoyer aux journaux pour être publié et dans l'espoir d'en retirer quelques sous; Il aborde tous sujets. Il n'a pas de freins, son esprit critique et son côté "visionnaire" se développent, il en sait déjà énormément sur les sciences, l'histoire, la géographie, la philosophie, ... Sa quête, son graal: La BEAUTE!
Les relations avec Ruth sont belles, il lui a enfin déclaré sa flamme et elle ne l'a pas repoussé. Elle a même annoncé leurs fiançailles à ses parents, mais le mariage se fait attendre. Tant que Martin refusera de travailler dans l'une des entreprises du père Morse, pour "avoir une situation décente", un vrai travail et un salaire, sauver l'honneur et les apparences, les noces ne pourront avoir lieu.
Fier et déterminé, croyant dur comme fer à son travail et ses écrits, sûr que ça finira par payer et qu'il trouvera son public et le succès, Martin refuse, continuant à travailler avec acharnement dans la petite chambre qu'il loue chez Maria et ses enfants. Heureusement qu'elle est là Maria, pour s'occuper de lui, lui donner à manger quand il a la fièvre et qu'il délire, alors que pour elle aussi l'argent manque. Les aller-retours incessants au "mont de piété", les quelques sous reçus pour quelques articles parus dans un journal "redonnent de l'air" de manière parcimonieuse et temporaire. Il récupère alors sa machine à écrire, son vélo, son costume, il peut payer son loyer, rembourser ses dettes et achats à manger. Il en profite aussi pour "gâter" Maria, ses enfants, sa soeur et ses neveux. Et la roue retourne, et ainsi de suite...
Mon Débrief:
Martin a confiance en lui, les connaissances ont accentué cette qualité. Il n'a pas peur d'aller au-devant des gens et d'exprimer des idées. Il est d'ailleurs surpris de voir que des personnes qu'il "adulait" ne sont finalement pas si intelligentes qu'il le croyait. Il est déçu par certaines.
Il s'exposera aussi à la politique et gagnera une belle amitié avec un écrivain, de génie, qui le sera considéré ainsi aussi par l'opinion publique, mais à titre posthume.
La vie de Martin Eden aura été pleine et entière. Il se sera toujours battu pour ce en quoi il croyait, pour défendre ses idées et la science, pour sa quête de la connaissance et de la beauté. De l'amour aussi, même si au final il aura été bien déçu. Il n'aura jamais de cesse de se répéter "pourquoi ne l'ont-ils pas fait avant ? Avant quand j'en avais besoin? J'étais le même, LE MEME, je n'ai pas changé, j'étais le même, c'est avant que j'avais besoin de vous!".
Jack London, met en lumière la nature humaine et ses pires vices. Bien qu'écrit et paru au début du 20éme siècle, rien n'a changé; C'est toujours l'argent et la notoriété qui mènent le monde! Jack London est un être pur, honnête, brillant. Il n'a jamais connu la facilité et on lui a même "savonné la planche" plus d'une fois. Un des moments le plus forts du roman est (à mon avis) quand il retourne auprès de ses amis, au bistrot, et qu'il est accueilli comme si de rien n'était, comme si les années n'étaient pas passées. Pour eux, il est resté le même et c'est un soulagement et un bonheur pour Martin, ses amis ne sont pas flattés par sa nouvelle notoriété, pour eux c'est le même. Mais pour Martin, c'est difficile, car lui a avancé, il a appris et comprend le gouffre qui s'est installé entre eux. Il n'arrive pas à trouver sa place. Il vit dans un monde parallèle et c'est terrible, car il est SEUL!
Sa reconnaissance et sa bonté sont sans limite et il gardera cet état d'esprit toute sa vie. Il vit et gagne pour la communauté, pas pour lui, ce n'est pas un individualiste, il met son art et son talent au profit du plus grand nombre; C'est un être éclairé, pas un égoïste qui s'accroche coûte que coûte à sa condition, son rang et ne regarde pas vers le bas.
Ce roman est magnifique, émouvant, prend aux tripes, nous met face à nos égoïsmes, nous ouvre aux autres, au respect, à faire attention à ne pas juger trop vite...
Je garde un goût amer envers Ruth, la petite fille modèle, qui dit l'aimer mais qui jamais n'a cru en lui, et qui jamais n'a proposé de l'aider financièrement ni de lui offrir à manger (en dehors des dîners organisés chez ses parents mais où Martin déclinait les invitations quand son costumes étaient au "Mont de Piété"). Elle l'a laissé vivre dans sa petite chambre miteuse, humide, avec peu de lumière et de chuaffage, alors qu'elle vivait dans le confort bourgeois et qu'ils étaient fiancés.
J'admire Martin pour son courage, sa force de caractère, pour n'avoir jamais dévissé de ses convictions. Je le plains d'avoir été un incompris mais sa légende n'en est que plus belle, à ses dépens.
Je pourrais parler pendant des heures et des heures de ce roman, mais maintenant à vous de vous faire votre propre opinion. En ces temps de confinement liés au coronavirus, on peut prendre le temps de lire.
Si grâce à cette chronique je vous donne l'envie de lire et découvrir ce roman, vous interroger sur le sens de la vie et les relations aux autres, j'aurais réussi ma mission de blogueuse littéraire.
Et comme c'est une chaîne, je remercie infiniment Nicolas Bedos et son film"La Belle Epoque". C'est grâce à eux que je me suis tournée vers ce roman et ai eu envie de le découvrir.
Les chef-d'oeuvre doivent continuer à vivre, ils ont tellement à nous apprendre... Faites comme nous, faites suivre!