De la Paiva je ne connaissais pas grand chose, hormis sa réputation sulfureuse et son hôtel particulier dans le « triangle d’or », au 25 de l'avenue des Champs-Elysées. Pourtant, comme beaucoup, elle me fascinait...; Trouver des lectures à son sujet est assez facile, elle a inspiré plus d'un écrivain, tout comme à son époque, Maupassant, entre autre, dont elle inspira son célèbre roman "Bel Ami". D'où le titre de cet ouvrage, écrit par Gérard Delaisement, grand spécialiste de Maupassant à qui il consacra une thèse, sur "Bel Ami".
Je m'attendais à un procès à charge contre cette courtisane qui a construit sa fortune et sa réputation en usant de ses charmes. Mais c'est tout le contraire que nous livre ce roman autobiographique sur l'une des plus grandes figures mondaines du XIXè siècle, empli de bienveillance et d'admiration.
L'histoire de La Paiva
La Paiva, née Esther Lachman en 1819 à Moscou, impose vite son caractère et son leadership au milieu des autres enfants du ghetto dans lequel elle grandit. Influencée par un père qui se tue à la tache mais n'arrive pas à sortir sa famille de la précarité, et une mère infirme de visage, qui vit recluse, tout en continuant à prendre grand soin de son corps et de son plaisir, Esther va vite savoir ce qu'elle veut: sortir de sa condition inhumaine et partir à la conquête du monde et notamment de Paris; Très vite, elle prend conscience de sa beauté et de son pouvoir sur les hommes. C'est ainsi qu'elle se laisse séduire et se marie à un tailleur français rencontré à Moscou. Mais le changement de vie qu'elle attendait ne se fait pas et elle décide de tout abandonner (parents, mari et enfant) pour suivre sa destinée et partir pour la France. Les débuts à Paris ne seront pas faciles mais de belles rencontres se feront facilement et lui permettront de profiter d'un confort qu'elle n'aurait pu pas s'offrir elle-même. Sa détermination, son intelligence et son charme, font qu' elle devient très vite un centre d'intérêt, celle dont "tout le monde parle", attise les curiosités, les convoitises et les jalousies. Elle agrandit vite un cercle amical composé de journalistes, d'écrivains et même d'hommes politiques. Elle cumule les mariages, notamment celui avec le grand pianiste Henri Herz qui lui fera connaitre la vie londonienne. De cette union naîtra une fille qu'elle abandonnera (encore) au même titre que l'homme. Elle rentre alors à Paris, qui lui manque et qui a toujours été son objectif ultime: être la plus mondaine des mondaines, celle qui reçoit le tout Paris et dont tout le monde rêve de côtoyer les salons. Elle épousera ensuite un riche portugais qui lui offrira son titre de Marquise de La Paiva. Faire partie de la noblesse en étant titrée a toujours fait partie de ses ambitions. Mais une fois encore, ce mariage se soldera par un échec. Elle jouit néanmoins de son hôtel particulier rue St-Georges offert par le marquis, mais rêve de plus grand, de majestueux, d'incontournable. C'est ainsi qu'elle mettra à profit la fortune de son nouvel amant et mari le riche prussien Guido de Donnersmarck (cousin de Bismarck), et fera construire au beau milieu des Champs-Elysées, le plus beau et le plus faste des palais. Ce nouveau lieu incontournable de toute la noblesse, politique et intelligencia se retrouve chaque soir dans ce somptueux palais dont la maîtresse de maison est devenue la femme la plus influente de Paris. Une belle réussite pour la petite fille du ghetto moscovite, portée par son intelligence et sa beauté. La carrière politique de son mari et la guerre franco-allemande de 1970 la conduit alors partir pour l'Allemagne et à s'installer dans son château de Neudeck, en Silésie. La Paiva, qui s'est de plus en plus intéressée à la politique et qui s'est construit un réseau influent lors de ses soirées parisiennes va oeuvrer avec acharnement pour la paix entre les deux pays, tentant ainsi de provoquer une rencontre entre les deux figures politiques des deux pays: Bismarck et Gambetta. Ils y étaient presque arrivés lorsque des événements extérieurs viennent rebattre les cartes. La Paiva, n'aura pas le temps de rentrer à Paris, sa ville et son pays d'amour, elle mourra en 1884 à 65 ans au château de Neudeck.
Mon avis
Figure emblématique du XIXème siècle, la réputation de La Paiva est sulfureuse certes, elle a usé de ses charmes pour séduire les hommes, les épouser, avoir des titres, mener la grande vie., certes... mais elle n'aurait pas pu en arriver là si elle n'avais pas été aussi intelligente et muée par une ambition chevillée au corps. Elle s'est donné les moyens et elle y est arrivée. Ses amours ont toujours été passionnées et sincères, même si souvent éphémères; Elle a rendu les hommes fous d'amours et aucun n'a survécu à l'échec de leur mariage. ses amitiés avec des hommes aussi brillants que Théophile Gauthier ou Maupassant étaient terriblement sincères, longues, jusqu'à la mort et au-delà.
Elle a beau être décriée, je pense qu'elle a inspiré et continue à inspirer beaucoup de femmes et à fasciner beaucoup d'hommes. L'argent, la beauté et le pouvoir ont toujours fait tourner le monde, et susciter des fantasmes. Ce n'est pas demain la veille que ça va s'arrêter...
Quelques extraits
"Peu de destins sont aussi étonnants que ceux de La paiva"
"Je n'ai pas pour habitude d'installer les meilleures choses dans la durée. les crépuscules sont trsites et les lendemains cuisants! Je suis de celles qui vivent l'instant et en dégustent toutes les saveur".
"Il y a quelque chose que le femme anglaise aime mieux que vous et moin c'est elle-même; quelque chose qu'elle aime mieux qu'elle-même c'est sa réputation; quelque chose qu'elle aime mieux que sa réputation c'est son thé!"
"Il (Théophile Gauthier) avait écrit pour elle des vers qui allaient paraître dans "La Revue des Deux Mondes". Des vers parmi les plus beaux, de ceux qui auraient demandé de lo,gs efforts, de ceux qui feraient l'admiration de Hugo, de Beaudelaire".
"Ils (Gambetta et Hohenlohe) se découvraient des goûts communs, un certain dilettantisme littéraire, une facilité à s'adapter que donne la véritable culture".
"Tout cela manquait d'unité, de cette émotion qui nait quand s'joute au savoir-faire le savoir-ordonner: une harmonie dans la composition. Il y avait ici et là du clinquant, de l'ostentation. Un tape-à-l'oeil qui gênait l'homme de goût (Gambetta)".