Tout commence par une entrée énergique: une comédienne entre en scène en peignoir de soie rose, casque sur les oreilles, musique à fond, … On se demande presque si on est dans la bonne salle.
Dès la première seconde on est déstabilisé. On comprend tout de suite que la Arletty qu’on est venu voir, rencontrer, découvrir ou redécouvrir va sortir des sentiers battus et nous offrir le plus beau des cadeaux à un spectateur: des surprises!!
Arletty donc! Une comédienne tant décriée mais réhabilitée par ce spectacle, incarnée par la magnifique Julia Leblanc-Lacoste qui déroule un jeu toute en finesse, délicatesse, candeur parfois, mais aussi colère, rage même, et passion… pour son art, ses amis artistes et Soehring! L’amour de sa vie. Celui par qui son avenir a basculé. On aurait pu croire que c est à cause de lui qu’elle n’a pas rejoint la Résistance (ce que la critique ne lui a jamais pardonné), mais c’est à cause de son vécu et de ses convictions apolitiques, rien contre la France.
Dans un décor épuré mais efficace, à la mise en scène habile (orchestrée par Kristian Fredric) qui permet de faire vivre chacun des éléments présents sur scène; Julia Leblanc-Lacoste incarne à la fois la comédienne, l’amoureuse, la prévenue. Tour à tour répétant son texte, revivant des moments de bonheur avec son Soehring, ou répondant aux questions musclées de la police éblouie par la lumière de ce qu’on imagine les lampes de bureau, et qui permet une transition maligne entre les personnages (bravo la régie pour la réactivité).
La pièce déroule la vie de celle qui a été une grande comédienne mais qui n’a pas eu la reconnaissance du public. C’est toute la question : « peut on séparer l’œuvre de l’artiste? ».
Koffi Kwahulé offre un texte brillant. Il manie les mots et les idées avec conviction, joue avec les petites phrases (telles des mantras remaniés à chaque répétition) et avec l espace temps: pendant que le fil de la vie d’Arletty se déroule sous les yeux du spectateur, Arletty fait des allers et venues dans son passé et son présent, et joue aussi avec les sentiments et les émotions.
La comédienne fait des propositions artistiques très intéressantes pour incarner la joie. Elle sait retourner dans l’imaginaire de l’enfance (cf: la coccinelle et la découverte de sa jolie robe) par des moments tendres et émouvants. Mais elle sait aussi incarner la colère et son « NOOOOON » résonne encore dans mes oreilles et dans mon cœur.
Cette pièce est un véritable ascenseur émotionnel. Qu’on aime ou pas Arletty, qu’on la connaisse ou pas, la pièce ne peut pas nous laisser indifférents, et nous donne envie de se renseigner sur cette actrice encore bien présente dans la grandeur du cinéma et de ses films cultes. Elle a donné la réplique aux plus grands, parce-qu’elle était elle-même une grande artiste.
Je souhaite un bel avenir à cette très belle pièce et tout le succès qu’il mérite : bravo à la belle Julia Leblanc-Lacoste pour son seule-en-scène, c’est une belle prouesse, elle ira loin.
Merci Koffi Kwahule de livrer des textes aussi beaux et aussi justes, qui font honneur à la langue française.
Et bravo Kristian Fredric pour cette mise en scène aussi esthétique, à la fois pudique et osée.
Allez, je ne résiste pas: « Atmosphère, atmosphère, j’ai une gueule d’Atmosphère? ».
Rendez-vous au « L’avoir moderne parisien », Paris 18ème. Dépêchez-vous, c’est jusqu’au 14 novembre 2021.