C'est la 1ère fois que je voyais du "Duras" au théâtre, tout comme la 1ère fois que j'approchais ce texte.
Une scène immense, un décor de maison bourgeoise laissée à l'abandon... où Agatha a donné rdv à son frère.
L'heure des adieux a sonné, Agatha veut mettre fin à cet amour, aussi bien très heureux que très difficile pour elle. Elle préfère y renoncer, plutôt que de continuer cette comédie, partir loin de cette maison, de cette vie, pour se construire un avenir avec un autre homme .
Huis-clos, le temps d'une nuit où les 2 protagonistes vont remonter le cours de l'histoire et revenir à la genèse de cet amour incestueux. La mère, bien que décédée 8 mois plus tôt est très présente, entre respect et colère. Cette mère, si aimante, si ambitieuse pour ces enfants, notamment au sujet du piano, était-elle si naïve? Ne voyait-elle pas, ne sentait-elle pas ce qu'il se passait?
Entre théâtre classique et expérimental, "Agatha" m'a ramenée 25 ans en arrière lorsque ma prof de philo nous amenait au TNB voir des pièces de son "univers".
Une mise en scène épurée, donnant vie à des jouets et objets de l'enfance, servant d'allégories aux sentiments et animant la reconstitution de scènes passées.
Agatha est belle, froide et très dominante. Elle parle souvent d'elle à la 3me personne en se nommant d'ailleurs "Agatha": besoin de regarder le passé avec détachement ou suffisance?
Son frère est plus brillant mais soumis, plus faible. Agatha est son unique raison de vivre, le centre d'intérêt de sa vie... avec le piano (mais c'était aussi pour masquer auprès de leur mère le manque de travail d'Agatha en ce domaine). Totalement à la merci de sa sœur il n'hésitera pas à encaisser tous les coups pour la protéger. Son désarroi sera d'ailleurs illustré au travers de ses costumes.
Mon avis:
J'apprehendais un peu ma réaction face à l'inceste, or il ne m'a pas gêné du tout.. J'y ai vu un couple comme un autre, qui se connaît mieux, qui se ressemble, qui a ses racines communes. Agatha est très belle et très puissante psychologiquement. Son frère à une carrure plus large, plus charpentée, en impose plus physiquement et malgré tout, est le dominé. On s'en rend de plus en plus compte au fur et à mesure de la pièce. Bien que de 5 ans sa cadette, Agatha a tout compris de son pouvoir.
La mise en scène est très intéressante, avec ses déplacements courus, marchés, dansés, l'utilisation d'une petite caméra pour les mettre face à leurs vérités, des costumes indiquant les états d'esprit (pureté/ candeur en blanc, sexy en corset, robe fleurie de petite fille, robe tutu de l'homme malheureux, ..). La musique et les vidéos de paysages amènent du poids à l'atmosphère.
Les 2 acteurs sont très talentueux (et souples), l'accent européen de l'est de Florian Carove est un atout charme, plus ou moins prononcé par l'émergence des émotions. La jeune fille Alexandra Larangot à tout de Marguerite Duras en couverture de "l'Amant".
Une très bonne pièce (acteurs, mise en scène) au service d'un texte intelligent (Marguerite Duras) qui traite d'un sujet singulier et assez inconnu pour la majeure partie d'entre nous. Le flyer promotionnel est très bien fait. Allez-y, il ne reste que quelques dates (fin le 7 octobre)!
Café de la Danse, 5 passage Louis-Philippe, 75011 Paris.