« Maktaaq » , en langue Inuit, c'est le repas traditionnel à base de phoque, préparé, découpé par les femmes, et pris en collectivité. L'animal fait offrande de son corps, les Inuits le remercient en partageant, et en gâchant rien. Tout de l'animal est utilisé.
C'est entre cet univers rude mais chaleureusement humain et généreux, et l'Amérique d'aujourd'hui, le Los Angeles de la classe moyenne, qu'oscille le roman.
L'histoire:
Seth est un jeune homme tout juste majeur, qui vit en famille avec ses parents et ses quatre soeurs: Kim, Joy, Lorene, Mary. Deux d'entres elles sont jumelles, mais Seth ne sait pas vraiment qui est qui. Ils ont beau vivre à sept dans cette maison, il y a peu d'esprit de famille. Chacun se fait ses propres repas, à son compartiment dans le frigidaire.... Il n'y a que quand Seth faisait ses matches de base-ball, que la fratrie, accompagnée des copines des sisters se retrouvait pur encourager le "gamin". Mais avec son mauvais esprit de mec qui ne veut pas se résigner à perdre, ses "putain" à tout bout de champ, il est arrivé que ça finisse en baston sur le terrain, fasse peur aux filles et que tout le monde déguerpisse. Voilà comment, au fil de temps, chacun s'est isolé dans son coin.
Mais à la mort de leur grand-mère Koko, A.J. et sa femme (les parents de Seth), décidèrent d'accueillir Ati, le grand-père, l'Angajuqaaq (chef de famille en inuktitut). C'est alors que la vie de Seth va prendre un nouveau virage.
D'abord avec le visionnage d'une VHS, remise l'air de rien, et surtout lorsque son grand-père, lui offre pour son anniversaire, sa voiture tant chérie, sa rutilante "Impala" Chevrolet couleur turquoise. Mais on n'a rien sans rien et la contre-partie est d'accompagner le week-end suivant, celui du match le plus important de la saison de son équipe de base-ball, à Las Vegas.
Débute alors un voyage haut en couleur....
Mon avis:
Ce roman retrace l'histoire d'une famille modeste de la banlieue de Los Angeles, perdue dans les méandres de la vie. elle l'accueille et l'accepte comme elle vient, sans trop se poser de question. Avant que son grand-père ne le renne en main, de manière détournée, un peu froide aussi, Seth ne s'était jamais interroge sur ses origines, ni sur la vie de ses grand-parents avant qu'ils n'arrivent en Amérique. Et oui parce-que même si l'Alaska est le 49ème Etat des USA, il n'est pas rattaché au continent, et pas vraiment partie intégrante de cette nation. Il faut dire que la vie et la philosophie des inuits n'a rien à voir avec notre société de consommation. Et le visionnage du film d'Ati nous en apprend tellement et nous fait réfléchir, nous amène beaucoup d'humanité.
Le voyage en Impala, jusqu'à Vegas, orchestré par Ati pour Seth, avec son lot de situations cocasses et drastiques est un véritable cadeau offert à Seth, même si il n'en prendra conscience que bien plus tard. Ati est LE grand-père: malgré ses airs bougons et renfrognés, il est l'archétype de nos grand-pères ou arrière-grand-pères, avec tellement de choses à nous apporter...
La raison pour laquelle il a quitté l'Alaska et la raison pour laquelle il n'a pas réussi à y retourner est très émouvante. C'est l'histoire du miroir aux alouettes, et du non-retour, de la société moderne, du confort, de la vie facile, au détriment des valeurs.
La fin du roman est inévitable, on la voit arriver, elle est triste et belle. On ne peut s'empêcher de retenir quelques larmes.
C'est beau un livre, qui nous fait pleurer, qui aborde la transmission, la générosité, le partage. Très beau roman, très humain. Bien qu'il se passe aux USA, son auteur est français et c'est très crédible, on retrouve bien l'ambiance des familles américaine comme on les a découvertes dans les séries américaines depuis "Happy days" et telles qu'on les imagine aujourd'hui encore.
Les bonnes feuilles;
P.88: "A bord, un trio de filles à papa. Elles fignolent déjà leur bronzage. Il est à peine 8:00 A.M. mais ici, il n'y a pas d'hure pour être superficielle"
P.219: "Mais ce jour où je les vis se goinfrer d'un même morse, je compris que les Inuits n'étaient pas unis par le sang qui circulait dans leurs veines mais plutôt par celui qu'ils devaient se partager pour survivre"
P.224: "Seth cerne mieux pourquoi cette ville est considérée comme la capitale du vice. Tout ici pue l'argent - surtout celui qu'on n'a pas- et le sexe - surtout celui qui s'achète"